Livre édité par les Editions de la rue nantaise
Synopsis :
Revenir sur les lieux du crime est un jeu risqué, mais encore faut-il prouver que crime il y eut. Kathleen et Marnie sont sœurs. En revenant là où Paul, l'époux de Kathleen, disparut mystérieusement un an plus tôt, ne risquent-elles pas de tenter le diable ? Car les deux sœurs, sous leurs airs respectables, cachent des secrets qui le sont peut-être un peu moins. Kathleen, femme fragile ayant un penchant pour l'alcool, est soignée par Venena, infirmière qui ne se contente pas des apparences. Sur ses gardes, pour ne pas dire paranoïaque, Marnie contrôle la situation, du moins jusqu'à l'arrivée d'un inspecteur aux méthodes particulières. « Pas de corps, pas de crime » : dans ce huis-clos insulaire, où les doubles-jeux sont florès, on apprendra qu'il vaut mieux se garder des formules toutes faites.
Critique
Lydia Bonnaventure : Mes Promenades
Culturelles.
Cette pièce de théâtre annonce de sérieuses références : le clin-d’œil au maître incontesté du cinéma à suspens, Alfred Hitchcock est facilement décelable. Le titre rappelle le film muet L'Homme de l'île de Man, dans lequel on retrouve, par ailleurs, le prénom de l'un des personnages, Kate. Quant à sa sœur, Marnie, elle évoque bien sûr le célèbre Pas de printemps pour Marnie. Psychose est également évoqué dès le début de la pièce. Quant à l'objet du décor indispensable, la cage à oiseaux, vous voyez de suite à quoi il est fait mention. Ces allusions sont tout à fait pertinentes dans une pièce policière. Et la comparaison avec le célèbre réalisateur et scénariste ne s'arrête pas là car cette pièce est digne de lui.
N'ayons pas peur des mots, Katia Verba a un réel talent. La syntaxe est aisée et très agréable à lire et les dialogues sont riches, très riches. La chose n'est pas facile, ce qui mérite d'être souligné. Peut-être est-ce justement la difficulté majeure lorsqu'on entreprend une œuvre littéraire. Car si le lecteur est moins regardant sur des passages narratifs, il sera toujours très critique sur des dialogues. Il suffit de voir la pauvreté de certaines pièces de théâtre pour s'en assurer. Mais rien de tout ceci dans Manoir sous haute tension sur l'île de Man. L'intrigue est adroitement ficelée, les rebondissements multiples et, jusqu'à la fin, on ira de surprise en surprise.
Comble de la difficulté : le huis-clos. Peu de personnages, un seul et même lieu, un temps restreint... La dramaturge utilise ici la fameuse règle des trois unités de la tragédie classique. Et pour un peu, on pourrait voir, à la fin de la pièce, Kate transformée en Phèdre déclamant à quel point elle est malheureuse.... et pathétique, pour la plus grande joie du lecteur. Katia Verba s'impose ici des obstacles qu'elle surmonte avec brio.
Associez à tout ceci l'humour, un humour fin et presque noir, dans la tonalité de la pièce, et vous aurez tous les ingrédients pour faire de ce texte un petit bijou. Cet humour inscrit par ailleurs la pièce dans notre époque par une référence aux séries ou émissions de télé-réalité qui ponctuent notre quotidien (Buffy contre les vampires ou L'île de la tentation notamment). Et puis, appeler un des personnages, Venena, il fallait oser !
Vous l'aurez compris, j'ai aimé, que dis-je, adoré cette pièce. Bien plus, les rouages de cette dernière m'ont fascinée. Je vais à présent lire les autres pièces de cet auteur que je viens de découvrir et j'en remercie pour cela Vincent Beghin et les Éditions de la rue nantaise dont la qualité des ouvrages n'est plus à démontrer.
Extrait :
Marnie : Je dirai deux mots à Kate de
votre attitude. Attendez-vous à une surprise ! Vous aurez de mes nouvelles, vous perdrez votre emploi et vous pourrez toujours vous brosser pour avoir un certificat
élogieux.
Venena : Si vous pensez que vous trouverez une infirmière aux petits soins pour Madame, et occasionnellement chauffeur – car oui, il faut bien
que je vous rappelle – vous êtes bien contente que je vous dépose à votre salon de thé le jeudi ! Je ne parle même pas des cours de soutien scolaire donnés à la fille de Madame qui place la
mer Noire dans le Sud de l'Espagne, Lyon près de Strasbourg... Et je vous rappelle que je suis sortie troisième de mon concours d'infirmière, j'ai même failli faire
médecine.
Marnie: Médecine, vous ?
Venena : Parfaitement. Mais mes parents n'avaient pas l'argent nécessaire pour me payer mes études.
Marnie : Arrêtez, vous allez me faire pleurer... Eh bien, allez calmer vos états d'âme en allant faire du
thé.
Venena : J'ai pas été engagée ici comme serveuse ni même « cuistot » que je sache !
Marnie : Ça, je l'avais constaté, figurez-vous ! Vous arrivez à peine à faire un œuf à la coque. Je saurai quoi vous offrir à votre
prochain anniversaire...
Venena : Un livre de cuisine, peut-être ?
Marnie : Non, un moule à « manquer ».